Bonjour.
Ce n'est pas Alain qui vous écris aujourd'hui.
C'est sa femme, Elise.
Et c'est avec une profonde tristesse que je prends aujourd'hui la place de mon mari, puisque celui-ci n'est plus en mesure de le faire lui-même. En effet, les éditions ROA ont perdu mercredi 22 septembre leur plus grand défenseur puisque mon mari a eu un très grave accident de voiture en compagnie de son ami Eugène.
J'ai l'impression que tout ceci n'est qu'une mauvaise blague.
Eugène est... (je ne me fais pas à l'idée de parler de lui au passé, puisqu'il était un ami d'enfance), un collectionneur de véhicules anciens. Et c'est à bord de la Ford T, voiture emblématique de la bande dessinée, celle de Tintin au Congo et de Gaston, qu'ils ont eu cet accident tous les deux mercredi après-midi, accident qui a coûté la vie à Eugène.
Quant à mon mari, Alain Chevrel, créateur de ce blog, il ne vaut guère mieux.
Il a été éjecté de la voiture pour percuter de plein fouet l'arbre dans lequel ils sont rentrés. Les pompiers étaient sur place un quart d'heure plus tard pour constater le décès d'Eugène. Ils ont emmené mon mari en urgence à l'hôpital.
Son épine dorsale a été touchée et je sais aujourd'hui qu'il ne remarchera plus jamais.
- Alain, lui, n'en sait rien.
- Alain est plongé dans un coma profond dont à priori il ne sortira jamais.
Evidemment, nous ne nous connaissons pas, et il est étrange pour moi de vous écrire, de vous raconter tout ça. Mais je sais aussi que les 18 mois pendant lesquels Alain vous a donné rendez-vous ici, amateurs et nostalgiques de bandes dessinées, a été pour lui une source de joie qui le tenait chevillé à cet ordinateur depuis lequel je vous écris en ce moment.
Je vous avoue que je suis venue ici cette nuit (il doit être 5 heures du matin), pour supprimer purement et simplement ce blog.
Et puis j'ai reparcouru ses chroniques... revu ses choix de couvertures (qui rebondissaient souvent sur l'actualité, comme cette grève d'hier à laquelle il voulait participer avec ses anciens collègues...), ce projet d'anthologie de ses nouvelles favorites parues dans les éditions ROA et qu'il devait sélectionner pour la Clef d'Argent, projet sur lequel il avait travaillé une partie de l'été. Il avait aussi cette passion pour l'élevage de pigeons-voyageurs.
Croyez-moi, il n'y a pas plus occupé qu'un retraité !
Et puis j'ai découvert aussi vos commentaires - Je pense en particulier au plus fidèle d'entre eux : Zaïtchick !
Alain en était très fier, et je vous remercie d'avoir animé avec lui cette passion nostalgique pour ces petites bande dessinées aujourd'hui largement oubliées.
Alors j'ai compris que pour beaucoup de gens ici, Alain avait fait un travail contre l'oubli, et que ce blog lui-même est un excellent témoignage de qui est mon mari.
Alors je me suis mise à écrire cet ultime message. Celui que vous lisez en ce moment. Un message qui restera éternellement. Celui que les futurs visiteurs trouveront en se rendant sur le blog hommage des éditions ROA.
Car je le sais maintenant, il vient de me le faire comprendre à travers ces pages, Alain n'aurait pas voulu que cela disparaisse.
Que de là où il se trouve désormais, qu'il vive heureux au milieu des personnages, héros, soldats et cow-boys qui l'auront tant fait rêver.