Voilà les redoutables paroles afichées en tête de chaque couverture de cette non moins redoutable série, avertissement funeste invitant les plus faibles à tourner les talons, tandis que la silhouette mystérieuse du Fakir maléfique, plantée sur le seuil étrange de son cabinet ésotérique, invite les plus téméraires à y pénétrer.
Cette série de 3 petits numéros m'a vraiment fichu la trouille. J'en montrerai les 3 couvertures d'un coup aujourd'hui, et n'en parlerai plus après ça.
74 chroniques !
Voilà le temps qu'il m'aura fallu prendre pour avoir le courage de traiter le cas de cette série aux relents de souffre, et aux vapeurs vénéneuses. Je dis bien traiter, car Fakir DOTKI est une maladie, une obsession venimeuse que je porte dans mon corps comme un mal chronique depuis le printemps de mes sept ans, âge où mon grand-père m'a offert le premier opus des aventures de l'Apprenti du Diable.
Fait suffisamment exceptionnel pour y déceler une crainte toute particulière de ma part, de l'ordre de la peur superstitieuse, j'ai signé d'une main tremblante quand j'étais enfant chaque couverture de cette courte série en ma possession (qui ne comptera que 3 numéros). Sans doute y ai-je alors vu un moyen de protection dérisoire, exorcisme désuet censé me protéger de l'influence reptilienne des dessins de Sécaud, et des sortilèges écrits par l'inspiration d'un John King (lui-même inconsciemment influencé par quelque démon oriental oublié).
Mon propre grand-père, fermier de Sologne (pays sorcier) avait dû lui aussi connaître quelques-unes de ces fameuses peurs paysannes chères à l'écrivain Claude Seignolle, et qui poussaient encore les anciens du temps de sa jeunesse à clouer les chouettes aux portes des granges et à enfoncer des aiguilles dans les yeux encore bien vifs des pies capturées, oiseaux alors reconnus comme les responsables du calvaire du Christ.
Numéro 1 de mars 1954. En mai de la même année, le troisième numéro clora la série.
Aujourd'hui, à l'âge respectable de 63 ans je dois avouer que j'ose à peine ouvrir cette revue. Je peux plus difficilement la feuilleter, et encore moins la parcourir sans plisser les yeux, de crainte de recroiser le regard de quelque Méduse.
Sécaud, a qui l'on doit quelques-unes des plus belles couvertures des éditions ROA de l'époque (notamment celles de Panache), a dessiné 180 planches, enfermant 9 aventures sulfureuses.
John King en a bien évidemment écrit la trame et les dialogues (3 histoires de 20 pages par numéro - pour un total de 9 aventures sur l'ensemble de cette courte série).
Numéro 2 de avril 1954.
Détail remarquable (et donc à verser au troublant dossier de ce titre ROA décidément pas comme les autres), la diffusion même de Fakir DOTKI ne s'est semble-t-il faite ni en Belgique, en Suisse ni au Canada, alors que c'était le cas de toutes les autres séries de l'époque. En revanche, on note la diffusion du Fakir DOTKI à Monaco (!), en Turquie et au Maroc. Que les histoires occultes qui ne sont pas sans évoquer celles du tandem Stan Lee/Steve Ditko (dont le nom même du fakir est d'ailleurs un annagramme) aient trouvé un public plus évident en des terres à la croisée des cultures et des religions comme le Maroc ou la Tunisie semble imaginable. Par contre, l'évocation de Monaco est plus troublante, d'autant plus que la parité des Francs Français et des Francs Monégasques étaient alors déjà en vigueur, rendant la mention 35 F = 35 MCF bien inutile ! Y-avait-il présupposément plus de gens intéressés du commerce avec le Diable sur le Rocher Princier ? Y-a-t-il eu alors un accord passé ou pari secret relevant du private-joke ?
Voilà un des petits mystères à créditer au titre...
Numéro 3 de mai 1954.
Thématique étrange, et raison pour laquelle j'ai mis ici les trois seules couvertures de ce qui restera comme la plus courte série des éditions, les 3 images semblent former un inquiétant tableau, comic strip en trois parties :
1 - Un personnage aux traits dissimulés nous attend sur le seuil d'une porte étrange.
2 - Bien que le chapeau ne soit plus là, l'imper et la porte sont bien les mêmes, tandis que l'on s'est approché, et que le regard violacé du Fakir Maudit nous hypnotise.
3 - Nous voilà à l'intérieur du cabinet, bien que les montants verticaux de la porte semble encore encadrer à gauche et à droite la scène inquiétante à laquelle Fakir Dotki nous invite à assister, semble indiquer le contraire. Sommes-nous sur le seuil, où à l'intérieur ? La forme en ogive de la porte derrière le personnage assis (différent de celle vue précédemment ), semble indiquer que nous sommes toujours à l'extérieur.
Comme un sortilège brisé juste avant le point de non-retour, l'absence de quatrième couverture ne permettra pas de confirmer l'inquiétante théorie.
Inutile de m'en redemander des planches ou autres analyses, je ne parlerai plus de DOTKI.